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SANTE : L'Ouganda redouble d'effort pour lutter contre l'excision

Par Peter Owuor

KAMPALA, 8 janv. (IPS) - L'excision demeure un probleme majeur de sante chez les Sabiny, a l'Est de l'Ouganda, malgre les efforts concertes que le gouvernement ougandais, les bailleurs de fonds et les responsables communautaires deploient pour lutter contre cette pratique.
Un rapport publie par l'Association ougandaise de planification familiale et le Programme REACH (sante reproductive, educative et communautaire) montre que la tendance est loin de decliner. Les fonctionnaires du gouvernement estiment que ce rapport est plutot surprenant.
Une enquete a ete realisee aupres des filles de 14 a 30 ans dans le district de Kapchorwa, a 480 kilometres a l'Est de Kampala, la capitale. Les filles ont ete circoncises entre decembre 1998 et janvier 1999.
Ce district est peuple de Sabiny, le seul groupe ethnique ougandais qui pratique l'excision sous pretexte qu'elle reduit la promiscuite chez les femmes mariees.
L'excision consiste a couper le clitoris et certaines parties des levres du vagin. Tout cet endroit est ensuite cousu pour restreindre l'orifice. Les rituels sont organises une fois tous les deux ans. Ils ont ete organises la derniere fois en decembre 1998 et seront encore organises en decembre 2000.
Dans le comte de Tingey a Kapchorwa, 193 filles sur 5762 ont ete excisees (soit 3,3 pour cent) ; par contre, a Kween, 473 filles sur 3.027 l'ont ete (soit 13,5 pour cent).
''Ces chiffres sont surprenants et indiquent que le probleme est loin d'etre regle. Il pourrait meme empirer si nous ne redoublons pas d'effort dans la lutte contre cette pratique'', affirme Charles Opio, le commissaire resident du district.
Depuis deux ans, le gouvernement mene une campagne contre cette pratique, avec l'appui d'un groupe local appele l'Association des Vieux Seleby. Dans l'ensemble, la circoncision a baisse de 40 pour cent depuis 1996.
Parmi les 53 pays africains, l'excision est pratiquee dans 27 pays. Dans certains pays, plus de 90 pour cent des femmes ont subi l'excision.
L'Organisation Mondiale de la Sante (OMS) estime que pres de 100 millions de femmes et de filles ont subi une sorte d'excision en Afrique.
En Ouganda, l'excision se fait a l'aide d'outils primitifs tels que des pieces metalliques ou des couteaux bien aiguises. Les exciseuses sont essentiellement des femmes agees formees au sein de leur tribu.
''Elles ont plusieurs annees d'experience dans ce domaine'', explique le chef traditionnel Joseph Chepsikor.
Avant l'excision, les filles prennent part a des rituels et recoivent des cadeaux. On leur fait croire qu'aucun homme ne peut les epouser si elles ne sont pas 'initiees a l'excision'. Les femmes mariees abandonnent leur domicile conjugal pour aller subir l'excision.
Plusieurs jours avant la ceremonie, les jeunes filles se promenent dans les villages et rendent visite a leurs parents qui leur offrent des cadeaux. Le rituel lui-meme se deroule a l'aube. La fille se couche sur le dos dans la cour de sa maison et ecarte bien les jambes. L'exciseuse s'approche et se
met a genoux entre ses jambes. Le couteau a la main, elle tire bien le clitoris avant de le couper. Apres l'avoir coupee, l'exciseuse verse un medicament localement concocte par terre. La fille se leve sans pleurer et va dans une chambre ou elle passe des mois pour faciliter la cicatrisation. Pendant l'operation, la fille ne doit pas pleurer sinon on pense qu'elle est couarde et apporte la malchance a sa famille.
''J'ai ete excisee a 13 ans environ et je pensais que si je ne subissais pas cette intervention, je ne trouverais pas de mari. Les exciseuses excisaient plusieurs filles avec un meme couteau. Aujourd'hui je ne peux pas du tout permettre a mes filles de faire cette experience parce qu'elle les expose, entre autres, au SIDA'', indique Jane Chelimo, une infirmiere impliquee dans le programme REACH.
Chelimo raconte qu'a cause de cette intervention sur son systeme reproductif, elle sentait des douleurs atroces lorsqu'elle mettait au monde ses quatre enfants.
La campagne contre cette pratique a pris de l'ampleur en 1996 lorsque Jane Francis Kuka a ete nommee ministre d'Etat chargee de l'egalite des sexes et du developpement communautaire. Depuis son arrivee a la tete de ce ministere, elle denonce ouvertement cette pratique et mobilise les femmes
de Kapchorwa afin qu'elles s'opposent a ce qui etait jadis une pratique culturelle.
''Je me suis opposee a l'excision et tout le monde pensait que je n'allais jamais me marier. Mais je suis mariee et j'ai des enfants'', declare la ministre qui a ete felicitee en 1997 par les Nations Unies grace aux efforts qu'elle deploie contre l'excision. Elle mobilise egalement les ecolieres contre cette pratique.
Grace a ses efforts et a ceux du programme REACH, de l'Association de planification familiale, de l'Association des Seleby et du gouvernement, 150 ecolieres ont ecrit au Secretaire general des Nations Unies pour lui demander de les epargner de cette pratique.
En effet, le patron du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), Nafis Sadik, a felicite les filles et promis de les aider a mieux lutter contre l'excision.
Malgre tout, les traditionalistes opposent encore une forte resistance au progres en cours. Le commissaire du district, Opio, raconte que des efforts supplementaires sont fournis pour convaincre ces derniers que l'excision est une pratique nuisible.
''C'est en decembre que l'excision se pratique. Alors si nous voulons reduire son ampleur, nous devons faire un grand travail preliminaire'', conclut-il.

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