justice globale

Research Foundation for Science, Technology and Ecology, New Delhi, Inde
Groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen
Fédération internationale des mouvements d’agriculture organique

 

Libérons l’arbre libre

DOCUMENT D’INFORMATION

sur la

PREMIÈRE OPPOSITION LEGALE CONTRE UN BREVET ISSU DE « BIOPIRATERIE » :

l’affaire Margousier

par Linda Bullard, mars 2005

Le 8 mars 2005 fut une journée marquante dans l’histoire de la justice. En effet, la chambre de recours technique de l’Office européen des brevets (OEB), basé à Munich, a révoqué dans son intégralité un brevet portant sur un fongicide obtenu à partir de graines de margousier, mettant ainsi un terme à dix ans de bataille dans la première action en justice contre un brevet de piraterie biologique.

LE MARGOUSIER

Le nom scientifique du margousier est Azadirachta indica, dérivé du nom persan de l’arbre, Azad-Darakth, qui signifie «l’arbre libre». L’arbre fait partie de la famille de l’acajou et est originaire du sous-continent indien. Il fut introduit au siècle dernier dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique centrale et du Sud, des Antilles et d’Asie. Le margousier est un magnifique arbre tropical à feuilles persistantes qui peut atteindre 30 mètres de hauteur et 2,5 mètres de circonférence. Ses branches exubérantes forment des couronnes arrondies de quelque 10 mètres de diamètre. Le margousier peut vivre plus de deux siècles.

C’est en Inde que l’usage du margousier est le plus répandu. L’arbre est mentionné dans des textes indiens datant de plus de 2 000 ans et sert depuis des siècles d’insectifuge dans l’agriculture, la médecine humaine et vétérinaire et la cosmétique. Il est également vénéré dans la culture, les religions et la littérature de la région. L’Inde a partagé son «arbre libre» et sa connaissance de ses innombrables utilisation avec la communauté internationale, mais cette ressource importante devient aujourd’hui, par le truchement du système des brevets, la propriété privée d’un petit nombre d’entreprises.

LES BREVETS

Pas moins de 65 brevets portant sur des produits dérivés du margousier ont été rentrés à ce jour auprès de l’OEB, dont 22 ont été accordés, 28 sont «morts» pour diverses raisons et 9 sont en cours d’examen. Ces examens englobent des demandes concernant des insecticides, des fongicides, des méthodes d’extraction, des formulations de stockage stables d’un des ingrédients actifs, l’azadirachtine, des contraceptifs et des utilisations médicales. Bien que certaines sociétés indiennes aient demandé des brevets sur le margousier, elles se retrouvent en situation d’infériorité numérique de 1 contre 2 par rapport aux multinationales qui sont également sur le coup, comme la compagnie pharmaceutique américaine Rohm and Haas ou le géant agrochimique notoire W.R. Grace.1

Il est important de noter qu’aucun de ces brevets ne concerne un produit génétiquement modifié et que ni l’arbre ni aucune de ses parties n’ont été brevetés.

LE MARGOUSIER ET LA PIRATERIE BIOLOGIQUE

Les brevets sur le margousier entraînent des gains financiers importants pour leurs soi-disant propriétaires, tandis que les communautés qui comprirent les premières les utilisations possibles de l’arbre et partagèrent cette connaissance avec le reste du monde ne bénéficieront d’aucune compensation. Les brevets sur le margousier ne sont qu’une page de plus dans un vaste catalogue de ressources génétiques originaires du Sud sur lesquelles quelques sociétés multinationales provenant pour la plupart du Nord revendiquent des droits de propriété intellectuelle. Le système de brevets du Nord n’était pas conçu pour reconnaître ou considérer comme inventifs les produits dérivant de processus d’innovation communautaire tels que ceux qui donnèrent vie aux différentes utilisations du margousier aujourd’hui. C’est seulement quand ces utilisations sont décrites dans les termes de la science et de la technologie occidentales qu’une «invention» est considérée avoir eu lieu et qu’un «inventeur» ou un groupe d’«inventeurs» peut se voir octroyer les droits de propriété monopolistes qu’un brevet confère. C’est par ce mécanisme qu’un transfert massif de richesses biologiques et intellectuelles se développe, du Tiers-Monde vers le Nord.

Un impact direct du monopole commercial sur le margousier rendu possible par le système des brevets est l’augmentation ahurissante de la demande de graines des sociétés. Le fongicide couvert par le brevet USA/Grace ne peut être produit sans graines naturelles de margousier. Une installation de traitement implantée par Grace en Inde peut manipuler 20 tonnes de graines par jour. Presque toutes les graines récoltées - auparavant librement disponibles aux fermiers et aux guérisseurs - sont aujourd’hui achetées par la société, ce qui fait exploser leur prix et les rend inaccessibles aux citoyens ordinaires. L’huile de margousier elle-même, utilisée dans les lampes, est désormais pratiquement introuvable parce que les meuniers locaux ne peuvent plus accéder aux graines. Les citoyens pauvres perdent une ressource vitale à leur survie, une ressource jadis largement disponible à un prix abordable.

Afin de lutter contre l’injustice représentée par la piraterie biologique, on enregistra plusieurs tentatives d’introduction d’un mécanisme de «consentement informé préalable» dans la directive européenne sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, mais cette législation fortement controversée fut finalement adoptée en juillet 1998 sans englober aucune des mesures de protection proposées. La transposition de cette directive en droit national s’est toutefois avérée compliquée, et la Commission européenne a pris du retard dans la rédaction d’un rapport sur son fonctionnement. Un autre instrument de cette lutte réside dans la Convention sur la diversité biologique (CDB), dont le but consiste à imposer aux parties signataires de garantir que les demandes de brevets portant sur des ressources biologiques déterminent la source du matériau et prévoient des mesures dans le sens du consentement informé préalable des communautés ainsi identifiées. Les ONG ont également déployé une grande énergie sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), l’accord multilatéral relatif aux régimes de brevets qui faisait partie de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) originel. Le moyen le plus direct de lutter contre ces brevets de piraterie biologique en Europe consista toutefois à opposer une approche interne au système qui les autorisait et ainsi tenter de créer une jurisprudence.

CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE

Le 12 décembre 1990, la société multinationale active dans le secteur de l’agrochimie W.R. Grace, basée à New York, et le gouvernement américain, représenté par son secrétaire d’État à l’agriculture, déposèrent une demande de brevet européen auprès de l’Office européen des brevets (OEB) sur la base d’une demande prioritaire américaine datée du 26 décembre 1989 et portant sur une méthode de contrôle des attaques fongiques sur les plantes à l’aide d’une huile hydrophobe extraite du margousier. C’était la troisième demande relative à un produit dérivé du margousier rentrée par W.R. Grace.

Après une procédure d’examen très difficile et controversée, l’octroi d’un brevet européen pour cette demande fut publié le 14 septembre 1994, avec le numéro 436257, la demande principale ayant été ramenée par l’OEB à

«une méthode de contrôle des attaques fongiques sur les plantes comprenant l’apposition sur les champignons d’une formulation à base d’huile de margousier contenant entre 0,1 et 10 % d’une huile hydrophobe extraite du margousier substantiellement libre d’azadirachtine, de 0,005 à 5 % d’un surfactant émulsifiant, et de 0 à 99 % d’eau».

Neuf mois plus tard, une opposition juridique à ce brevet fut déposée conjointement par trois «plaignants»: Magda Aelvoet, députée européenne, à l’époque présidente du groupe des Verts au Parlement européen (Bruxelles), le Dr Vandana Shiva, agissant au nom de la Research Foundation for Science, Technology, and Natural Resource Policy (New Delhi, Inde) et la Fédération internationale des mouvements d’agriculture organique (IFOAM), basée en Allemagne et représentée par sa future présidente, Linda Bullard. Les trois partenaires choisirent consciencieusement de s’opposer à ce brevet particulier en raison de la personnalité de ses «propriétaires»: ils souhaitaient mettre en exergue comment les gouvernements de pays riches - dans ce cas, les États-Unis d’Amérique - et des sociétés multinationales - ici, l’ineffable W.R. Grace (dont les exploits sont relatés dans le livre et le film «Préjudice» - s’allient pour voler les ressources biologiques du Sud par le biais du système des brevets. Ce n’est pas non plus un hasard si ces trois opposants associèrent leurs forces: une organisation originaire du pays d’où la ressource était volée, une organisation internationale représentant les utilisateurs et producteurs organiques des produits à base de margousier à travers le monde et un parti politique environnementaliste, bien placé pour pousser au changement dans le système juridique lui-même afin de mettre la piraterie biologique hors-la-loi. Et au sein de ces organisations, ce sont des femmes qui initièrent l’action et la soutinrent, une Indienne, une Belge et une Américaine.

Bien que les opposants déposèrent leur recours originel sans recourir à une représentation juridique, ils mandatèrent rapidement le professeur Fritz Dolder, professeur en propriété intellectuelle à la faculté de droit de l’université de Bâle (Suisse) pour les représenter. Celui-ci agit en cette qualité pendant les dix années nécessaires à mener à bien l’affaire.

Les opposants déclarèrent que l’effet fongicide des extraits hydrophobes des graines de margousier était connu et utilisé à une grande échelle depuis des siècles en Inde, tant dans la médecine ayurvédique pour soigner les maladies dermatologiques que dans la pratique agricole traditionnelle pour protéger les céréales contre les infections fongiques. Cette connaissance traditionnelle étant en fait omniprésente dans la culture indienne depuis des temps immémoriaux, ils alléguèrent que le brevet en question ne remplissait pas deux exigences réglementaires de base pour l’octroi d’un brevet européen, à savoir la «nouveauté» (article 54 de la Convention sur le brevet européen) et l’«activité inventive» (article 56 de la CBE, appelée «non-évidence» aux États-Unis).

En outre, les opposants arguèrent que le brevet était contraire à la moralité visée à l’article 53(a) de la CBE parce que les soi-disant inventeurs revendiquaient des droits de propriété intellectuelle sur une méthode qui fait partie de la base de connaissances traditionnelles de l’Inde - et donc, la volaient - et que le vol est considéré comme immoral dans la culture européenne. Enfin, ils évoquèrent les raisons formelles d’«exposé insuffisant» (article 83 de la CBE) et de «manque de clarté» (article 84 de la CBE) pour demander la révocation du brevet. Ensuite, ils trouvèrent une autre raison de s’opposer, à savoir que le brevet constituait un monopole de fait sur une variété végétale, ce qui est interdit par l’article 53(b) de la CBE.

Il fallut cinq ans pour que l’affaire passe devant la division d’opposition de l’OEB. Pendant cette période, les opposants apportèrent des preuves et des affidavits pour appuyer leur demande. Une procédure orale fut fixée aux 9 et 10 mai 2000 devant la division d’opposition de l’OEB à Munich.

Le premier jour de l’audition, à midi, des manifestants se rassemblèrent devant les locaux de l’OEB, brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Pas de brevet pour le vol» et portant des signes représentant tous les brevets européens relatifs au margousier qui avaient été octroyés ou qui étaient en attente. Une délégation de scientifiques et d’agriculteurs indiens et sri lankais «libéra» symboliquement des brevets un margousier de deux mètres de haut et le remit à l’utilisation publique. Ils remirent ensuite à un fonctionnaire de l’OEB une pétition signée par 100 000 citoyens indiens demandant que tous les brevets sur le margousier soient révoqués.

Pour appuyer la substance de leur cause, les opposants avaient invité deux experts indiens: le Dr Udai Pratap Singh de Varanasi, professeur et chef du département de mycologie et de phytopathologie de l’institut des sciences agricoles de l’université de Banaras Hindu, et M. Abhay Dattaray Phadke de Puna, directeur général d’Ajay Bio-Tech Ltd., une société indienne. Le Dr Singh est considéré par la communauté scientifique comme le plus grand expert d’Inde en matière de margousier. M. Phadke est agronome et a commercialisé un produit dérivé du margousier en Inde (sans demander de brevet) après une phase de développement et des essais extensifs sur le terrain avec des agriculteurs. Il est intéressant de savoir que M. Phadke avait auparavant travaillé pour Rhône-Poulenc et proposé de commercialiser ledit produit; la société en question déclina toutefois l’offre, jugeant qu’il ne serait jamais possible d’obtenir un brevet pour un tel produit, ce qui l’aurait rendu commercialement inintéressant. Il présenta même personnellement des échantillons de son fongicide à base de margousier, appelé «Neemark», à W.R. Grace.

Les brevetés tentèrent d’abord plusieurs manœuvres visant à faire déclarer l’opposition irrecevable pour des motifs de procédure, estimant par exemple que, puisque les opposants étaient au nombre de trois, ils auraient dû payer trois fois les droits de recours, oubliant que les deux «propriétaires» n’avaient payé qu’une seule fois les droits relatifs à la demande, que les droits n’avaient pas été payés à temps, ou encore que l’opposant non européen n’était pas dûment représenté au moment du dépôt de l’opposition. Quoi qu’il en fût, la division d’opposition s’exprima en faveur des opposants sur toutes les questions de procédure, prenant le temps de délibérer à chaque fois et en revenant annoncer sa décision et reprendre la procédure.

Le premier témoin, M. Phadke, fut alors appelé. Son témoignage fut long, extraordinairement détaillé, appuyé par une documentation abondante et absolument cinglant. Le Dr Singh ne fut pas autorisé à rester dans la salle pendant l’audience du premier témoin de sorte que son témoignage ne soit pas influencé. Pendant un jour et demi, il attendit patiemment dans le couloir que son tour arrive, mais il ne fut jamais appelé, le premier témoin ayant apporté des preuves suffisantes pour faire annuler le brevet.

À la fin du témoignage de M. Phadke, l’opposition estima que la revendication de nouveauté du breveté avait été battue en brèche sur la base de l’utilisation publique préalable clairement démontrée. Selon le professeur Dolder, il est difficile et plutôt rare de défaire un brevet sur la base de la nouveauté, mais c’était le cas ici. Tout aurait pu être terminé à ce moment, mais les avocats de la partie USA/Grace déposèrent une «requête auxiliaire» amendant légèrement la formulation, de sorte qu’elle sorte juste des paramètres décrits par M. Phadke: la concentration d’huile de margousier contenue dans la préparation était maintenant spécifiée à 0,25 %, ni plus, ni moins. Dans la pratique, cette revendication modifiée aurait été inutile au breveté parce que le pourcentage était défini de manière si précise qu’il ne constituait plus un monopole; en d’autres termes, il aurait été très facile pour un concurrent d’éviter de violer le brevet. Elle fut toutefois immédiatement examinée, et cette fois la division d’opposition déclara que même sous sa forme amendée, l’«invention» manquait d’activité inventive. Le brevet fut donc révoqué dans son intégralité.

Le panel ne rejoignit pas l’opposition dans sa vision que le brevet constituait un monopole de fait sur une variété végétale ou qu’il violait l’ordre public et la moralité. Il accepta néanmoins les arguments de l’opposition selon lesquels des brevets ne doivent être octroyés pour les connaissances traditionnelles communes, mais ajouta que cet argument devait être utilisé pour établir l’«art préalable» et ne constituait pas une question de moralité aux sens de la Convention sur le brevet européen.

Les États-Unis et W.R. Grace se pourvurent en appel à l’échelon supérieur au sein de l’OEB, la chambre de recours technique, demandant que la décision de la division d’opposition soit annulée et soumettant une nouvelle formulation modifiée de leur revendication originelle.

Cinq années de délais et de soumissions supplémentaires s’écoulèrent avant que l’affaire n’arrive au stade de la procédure orale à l’OEB. Entre-temps, W.R. Grace avait cédé ses droits de brevet à une filiale, Thermo Trilogy, qui avait débuté sous la forme d’un groupe de recherche au sein de W.R. Grace et était ensuite devenue la division Biopesticides de Grace avant d’être revendue. Thermo Trilogy se spécialisa dans les pesticides dits «biorationnels». En 2001, les avoirs de Thermo Trilogy, notamment ses brevets, furent rachetés par Certis, une filiale à 100 % de la société japonaise Mitsui & Co., qui est aujourd’hui l’un des plus grands fournisseurs mondiaux de technologies pour l’«alimentation sûre». Tout au long de ces bouleversements commerciaux, le gouvernement américain était resté le «copropriétaire» du brevet.

Même si deux jours avaient été prévus pour l’examen de l’appel, l’affaire était si claire que le bureau de recours technique ne mit que deux heures pour prendre une décision. Il avait auparavant refusé de réentendre M. Phadke ou le Dr Singh et ce, bien qu’il fût fait référence au travail de ces deux personnes pendant la procédure. Les brevetés avaient renouvelé leurs tentatives de faire déclarer l’opposition irrecevable pour des raisons de procédure, mais le panel ne discuta même pas de ces questions. Une seconde requête auxiliaire amendant la formule du produit fut refusée parce qu’elle étendait la portée (article 123, paragraphe 2). La substance du brevet fut examinée au niveau de la nouveauté, de l’exposé et de l’activité inventive. Après avoir entendu les arguments des opposants, le bureau se retira pour délibérer.

Peu après 11 heures du matin, le 8 mars, le président annonça «L’appel est rejeté. Le brevet est révoqué.» Le bureau n’expliqua pas les motifs de sa décision, mais on peut supposer que le raisonnement de la division d’opposition fut suivi, que le brevet ne remplissait pas les conditions de nouveauté et/ou d’activité inventive. Une décision écrite reprenant les motifs de la décision du bureau sera envoyée aux deux parties. En tout cas, les États-Unis et Thermo Trilogy n’ont plus de recours possible pour ce brevet: il est irrévocablement annulé.

LA JURISPRUDENCE

L’affaire du brevet sur le margousier fait maintenant partie de la jurisprudence du régime européen des brevets et aura, espérons-le, un impact non seulement sur les demandes de brevets portant sur les produits à base de margousier encore à l’examen, mais aussi sur TOUS les brevets de piraterie biologique demandés à l’OEB. Il est important de noter que l’affaire fut gagnée sur la base d’affidavits et d’un témoignage, et que l’héritage intellectuel des sociétés traditionnelles fut reconnu comme un moyen d’établir l’«usage préalable»:

«En outre, la division d’opposition rejoint les opposants sur le fait qu’aucun brevet ne doit être octroyé pour une chose déjà connue au préalable, par exemple dans le cadre des connaissances traditionnelles communes. Cependant, il ne s’agit pas d’une question relevant de l’article 53(a) de la CEB, mais d’une question de nouveauté ou d’usage public préalable.»2

La révocation du brevet sur le margousier montre qu’il est possible de battre la piraterie biologique, mais il faut pour ce faire que ce précédent historique soit développé et transposé dans des cadres légaux internationaux partagés. La révocation n’a pas d’effet direct, par exemple, sur les brevets octroyés sur le margousier dans d’autres régimes juridiques. Cependant, après la décision finale de l’OEB, le «groupe de travail ad hoc à durée indéterminée sur l’accès et le partage des bénéfices» de la Convention sur la diversité biologique (CDB) a invité les opposants dans l’affaire Margousier à faire part de leurs expériences de «l’occurrence, la nature, la portée et le coût du détournement des ressources génétiques, (de leurs produits dérivés) et des connaissances traditionnelles associées». L’intérêt immédiat affiché par le groupe de travail est un signe encourageant que le précédent créé par la défaite de ce brevet sur le margousier peut être intégré dans d’autres instruments et traités internationaux contraignants.

LA CAMPAGNE MARGOUSIER

La bataille du brevet sur le margousier fut lancée en solidarité avec la campagne nationale initiée en Inde en 1993 par les agriculteurs qui craignaient que leurs ressources génétiques et connaissances traditionnelles tombent de plus en plus sous le contrôle étranger par le truchement du mécanisme des brevets. Ils comparaient ce qu’ils vivaient avec une forme moderne de «clôture du bien commun», sauf que la privatisation ne concernait pas ici des terres mais des connaissances publiques. L’idée d’un recours naquit lors d’une réunion d’activistes socio-environnementalistes en Malaisie en 1993. En avril 1995, Magda Aelvoet et Linda Bullard se rendirent en Inde à l’invitation de Vandana Shiva pour rencontrer des ONG, les autorités gouvernementales et la presse pour évoquer les questions de Patents on Life, du droit européen et international en matière de brevets et du brevet sur le margousier, qu’elles attaquèrent deux mois plus tard.

À côté des trois «plaignants» qui déposèrent le recours en opposition contre le brevet, les organisations suivantes se sont associées et ont soutenu l’action: Karnataka Rajya Raitha Sangha (Inde), Third World Network (Malaisie), groupe des Verts au Parlement européen (UE), coordination européenne No Patents on Life! (Suisse), Fonds du progrès rural, division internationale (Canada), Cultural Survival Canada (Canada), Cultural Conservancy (USA), Edmonds Institute (USA), Institute for Agriculture and Trade Policy (USA), Washington Biotechnology Action Project (USA) et Rio Grande Bioregions Project (USA). Une grande coalition d’autres ONG européennes ont également soutenu matériellement, physiquement et moralement les opposants.

L’essentiel du financement des frais légaux et des dépenses connexes fut généreusement apporté par:

  • HIVOS (Pays-Bas);
  • le groupe des Verts au Parlement européen et son successeur, le groupe Verts/ALE au Parlement européen (Bruxelles, Belgique).

Un soutien additionnel fut apporté par la Fondation Schweisfurth (Munich, Allemagne) et l’Edmonds Institute (Washington, États-Unis).

partie de l’information de fond a été tirée de: Intellectual Piracy and the Neem Patents, Research Foundation for Science, Technology and Natural Resource Policy, Dehradun (Inde), 1993.

Campaign against Biopiracy, Research Foundation for Science, Technology and Ecology, New Delhi (Inde), novembre 1999.

Tous les documents juridiques liés à cette affaire sont disponibles pour la consultation par le public sur le site web de l’Office européen des brevets, dans la section «epoline», sous le numéro de publication 0436257.

Pour plus d’informations, contactez les bureaux des opposants:

Research Foundation for Science, Technology and Ecology: + 91/11-26561868, -26968077, 26535422; e-mail: vshiva@vsnl.com; www.navdanya.org

Groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen: +32 2 284-1692;

e-mail msomville@europarl.eu.int; site web www.greens-efa.org

IFOAM: +49 228 926-5016; e-mail n.Sorensen@ifoam.org; site web www.ifoam.org

L’avocat des opposants, le professeur Fritz Dolder, répondra à vos questions à l’adresse fritz.dolder@unibas.ch.

Linda Bullard :  lbullard@free.fr

1 Le docteur Ruth Tippe a dressé une liste de toutes les demandes de brevet portant sur le margousier introduites auprès de l’Office européen des brevets. Cette liste, reprenant leur statut actuel, est disponible sur demande auprès de Kein Patent auf Leben! (rtippe@keinpatent.de).

2 Décision révoquant le brevet européen ... de l’Office européen des brevets, réf. Neemfungicide, du 13 février 2001, n° de demande/n° de brevet 90 250 319.2-2117 / 0436257 / 01.